Avec 2 144 kilomètres de voies, l’Espagne s’enorgueillit de posséder le premier réseau ferroviaire à grande vitesse d’Europe. Dans le monde, seule la Chine dépasse l’Espagne. Mais tout comme le modèle chinois d’expansion sans limite du réseau TGV a connu ses limites (déficit abyssal du Ministère des Transports, accidents…), le développement de l’AVE (le TGV espagnol) pose question.
En effet la fréquentation n’est pas au rendez-vous, et la question de la rentabilité de ces infrastructures est clairement posée. 30 milliards d’euros sur vingt ans, 29 gares dont vingt flambant neuves et… les passagers qui se font attendre ! Si le tronçon Madrid-Barcelone remplit les prévisions de trafic, on frôle la caricature sur certaines autres liaisons, comme entre Zaragosse et Huesca, ou l’AVE ne transporte que cinq personnes par jour en moyenne…
Les gares nouvellement construites pour l’AVE, véritables cathédrales de béton, ne connaissent pas toutes le succès. Ainsi la gare de Guadalajara-Yebes, près de Ciudad Valdeluz (voir dans NO ES UNA CRISIS), n’accueille que 85 passagers par jour. Celle de Utiel-Requena ne voit passer que 21 passagers par jour. Sa construction a pourtant coûté plus de 12 millions d’euros !
Il faut dire que ces nouvelles gares ont toutes été construites à la périphérie des villes desservies, suivant le syndrome de la gare des betteraves chère à la SNCF. D’aucuns y voient un outil pour favoriser la spéculation immobilière sur des terrains vierges. Ainsi l’AVE a accompagné l’urbanisation autour de Ciudad Real (sur la ligne Madrid-Séville), et devait être le point névralgique de la ville nouvelle de Ciudad Valdeluz. Aujourd’hui l’explosion de la bulle immobilière a mis à l’arrêt ses projets immobiliers, et l’image de ces villes inachevées que les trains traversent sans s’arrêter n’est pas sans rappeler un far-west en déclin.
Le choix des emplacements de ces nouvelles gares TGV prend une autre tournure quand on sait que, pour celle de Guadalajara-Yebes par exemple, les terrains desservis par ce nouveau et performant mode de transport appartiennent à la famille de Fernando Ramírez de Haro, mari de Esperanza Aguirre, ancienne Président de la Communauté de Madrid. De là à suspecter que le choix de la nouvelle gare a été défini par la plus-value potentielle qu’elle donnait aux terrains familiaux…
En attendant, l’AVE dessert des zones désertiques et gares surdimensionnées, mais aucun aéroport espagnol. Impossible de sauter dans un AVE depuis les terminaux de Madrid-Barajas, ni ceux de Barcelone-El Prat. C’est dommage, ici la gare AVE n’est qu’à 4 kilomètres de l’aéroport… L’aéroport de Ciudad Real est le seul à être connecté à l’AVE. Il est aussi le seul à ne pas recevoir de vols, ayant fermé trois ans après son ouverture, en avril 2012, faute de passagers. Avec un coût de construction de 1,1 milliard d’euros, il est devenu un symbole de la mauvaise gestion des infrastructures de transport. Et ferait presque oublier les déboires du réseau ferroviaire à grande vitesse espagnol…
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